mardi 26 novembre 2013

Comment ça marche la santé ici part 2

On a vraiment des super infirmiers/infirmières!! Des gens d'expérience qui exercent un rôle élargi. Des points de suture, à la prescription d'un certains nombres de médicaments (certains antibiotiques, antalgiques (même des opiacés), antiinflammatoires) aux examens de toutes sortes, ce sont vraiment eux qui font la majorité des évaluations/interventions. Nous somme chanceux (ou pas) d'avoir un médecin 3 semaines sur 4 ici... Ou pas parce que... je n'écrirai rien qui pourrait être retenu contre moi!

Bref... quand on n'a pas de médecin sur place, au le besoin les infirmiers font appel à un médecin à Chisasibi, où il y a un hôpital d'une vingtaine de lits, qui peut les conseiller au téléphone. On peut référer le patient à l'extérieur de la communauté pour des examens complémentaires. C'est une autre des raisons qui font que les dossiers sont épais... BEAUCOUP d'examens complémentaires prescrits (inutilement) par notre médecin... avec tous les frais que ça entraîne comme vous le verrez plus bas. Il se déplacera alors par ses propres moyens ou pourra se rendre en avion au besoin. S'il y a urgence, alors on med-évac vers Chibougamau, ou Val-d'Or, ou Montréal selon le besoin. Dans tous les cas, tout cela est coordonné par le Service au Patients Cris, qui prend en charge toutes les dépenses point de vue transport et hébergement du patient et au besoin d'une escorte, ainsi que les transports entre le lieu d'hébergement et l'endroit où se déroulent les soins/examens. On nous renvoie le patient quand il est suffisamment stable pour être à domicile. Au besoin le patient peut résider dans un centre d'amitié du Sud pour la durée d'un épisode de réadaptation trop intensive pour ce qu'on peut desservir en haut ou si les services sont absents de la communauté d'appartenance de la personne.

Les femmes vont systématiquement accoucher à Val-d'Or et s'y rendent un peu avant la date prévue.

lundi 25 novembre 2013

Comment ça marche la santé ici part 1

Ou comment glisser très peu subtilement quelques mots savants de cri!

D'abord la santé selon les Cris c'est le miyupimaatisiiun, qu'on peut définir comme le fait d'être bien dans son environnement, tant physique que social. Ça se reflète dans l'organisation des programmes à la clinique, qui est en fait un espèce de CLSC à vocation élargie.

L'administration du Cree Health Board est centralisée à Chisasibi, à part un bureau de recrutement à Montréal où j'ai passé mon entrevue. Il y a sûrement de bonnes raisons pour cela. Cependant, dans les quelques dernières années, l'organisation a beaucoup grossi, et l'administration suit plus ou moins. Le fait que tout soit centralisé peut ralentir plusieurs processus. Par exemple, chaque fois que je veux voyager (en vacances, ou entre les deux communautés que je couvre) je dois compléter un formulaire d'autorisation de transport, approuvé par mon supérieur immédiat local, envoyé à Chisasibi pour que le transport soit organisé, et ça me revient. Il passe entre les mains de nombreuses personnes et ça prend pas mal de temps! 

Dans chacune des 9 communautés du territoire on trouve minimalement une clinique et un Multi Service Day Center (MSDC). Dans chaque clinique on trouve les programmes awash (enfants 0-9 ans et tout ce qui entoure la grossesse), uschiniichisu (les 9-30 ans, prononcer ouchinitsou), chishaayiyuu (les 30 ans et plus avec problèmes de santé chroniques... HTA, diabète, obésité..., on prononce tchaïyo), les services courants (première ligne, urgence) et les soins à domicile. Il y a aussi la protection de la jeunesse et le National Native Alcohol and Drug Abuse Program qui sont reliés d'assez proche au programme Awash. Le dentiste, l'ophtalmologiste et le pédiatre entre autres viennent faire leur tour régulièrement, ainsi que l'ergothérapeute puisqu'il n'y a pas encore de poste affiché ici, faute de logement. Je suis susceptible de travailler dans n'importe quel programme selon les besoins, comme je suis toute seule.

Les services de réadaptation ont été rapatriés au MSDC quand les cliniques ont manqué d'espace. Un choix d'organisation bien contesté par les professionnels... Entre les branches on entend que c'était pour amener un peu de vie dans ces établissements sous-utilisés. À l'origine, les budgets sont arrivés et il a fallu choisir pour l'ensemble des communautés entre un centre de jour et un centre d'hébergement, le centre de jour l'a emporté... alors qu'en bien des endroits... on ne saura jamais si l'hébergement aurait été mieux. N'importe qui ou presque peut-être admis au centre de jour, que ce soit pour isolement social, pour un problème de santé chronique, pour occuper la journée... Un education monitor et un rehabilitation monitor sont engagés pour organiser et animer des activités, que ce soit des classes d'exercices, des ateliers de cuisine ou d'artisanat, tout ce qui peut se faire en groupe et aussi répondre aux besoins particuliers des participants. Ils sont chapeautés par l'activity team leader et supportés au besoin par les professionnels, nutritionniste, physiothérapeute, ergothérapeute, psychoéducateur. Comme la cuisine du MSDC à Nemaska n'est pas fonctionnelle, la nutritionniste est restée à la clinique et donc je suis toute seule. Nous avons une bonne moyenne de 3 participants par jour.... Autrement dit, c'est mort. Triste. Je n'ai pas le temps de m'ennuyer pour autant comme je vois des clients référés surtout des services courants et du home care. Ils viennent me voir au MSDC.

Assez pour ce soir avant que je vous endorme!!

jeudi 21 novembre 2013

La vie de transit

Toc toc toc... bruit de clé dans la serrure... J'ouvre la porte en même temps qu'elle.

Moi : euh bonsoir?

Elle : Bonsoir, moi c'est Josée, je dors ici ce soir!

C'était la première fois hier soir... J'ai eu une coloc l'espace de douze heures. J'habite un beau grand logement quatre et demi dans un immeuble qui est occupé par le Cree Health Board. Ce sont des appartements qui sont prêtés aux gens qui sont seulement de passage, une infirmière qui vient remplacer, un médecin en consultation. Eux ont une maison, ailleurs. Moi pas. Je suis sans domicile fixe d'un transit à l'autre pour les prochains huit mois. C'est presque comme si je restais à l'hôtel. Mais quelqu'un peut venir occuper le lit voisin n'importe quand, sans préavis.

Je m'étais habituée à être toute seule. Je prends un peu mes aises! Mais bon... ça me rappelle que je ne suis pas chez moi!

samedi 16 novembre 2013

Lendemain de veille

Ce n'est pas moi qui ai veillé tard... oh non! à 10h je dormais... et jusqu'à passé 8h ce matin! Je ne pensais pas être fatiguée à ce point, mais je pense que l'adaptation me prend de l'énergie plus que ce que je me rends compte!

C'était fête au village hier, une noce. Ce matin en prenant une marche, des cannettes de bière semi-écrasées un peu partout... Molson Canadian! Et une drôle de rencontre...

Lui : Salut M'dame, Hi M'dame! en marchant tout croche, encore une cannette à la main...
Moi : Hi!
Lui : Don't pay attention to me... I'm just drunk! et il continue son chemin...

Ouin... la soirée et la nuit ont dû être exigeantes pour mes collègues infirmiers de garde... 

Tout ça sur une réserve sèche... on ne vend aucun alcool dans les commerces. Tout est contrebande. On dit qu'on peut payer une bouteille de vin jusqu'à 100$! Mais tout le monde sort régulièrement de la communauté, vers Val-D'Or souvent, parfois Chibougamau, même Montréal. Et ils en rapportent. Pour en faire le commerce ou pour consommation personnelle. Il a déjà été question d'un poste de contrôle à l'entrée du village... La bâtisse est même déjà là. Mais ça n'a pas été mis en application. Le contrôle est donc inexistant. 

Il y a pas mal de consommation de drogue aussi... marijuana et cocaïne entre autres. Avec tous les impacts sociaux que vous pouvez imaginer... décrochage chez les jeunes, méfaits, violence conjugale... On en entend un peu parler dans le sud... maintenant je peux vous dire que ça n'est pas surfait! 

J'ai commencé à feuilleter les dossiers des patients cette semaine. Premier constat, même à un jeune âge les dossiers sont épais!! Y'a plusieurs choses qui expliquent ça... D'abord les multiples problèmes de santé... obésité +++ et tous les problèmes secondaires que ça amène... diabète de type 2, hypertension artérielle, déconditionnement, problèmes musculosquelettiques... L'autre facteur c'est l'intensité des soins de santé disponibles, malgré l'isolement. 

La nouvelle clinique vient d'ouvrir il y a environ un an. Elle est ouverte de 9h à 12h et de 13h à 17h du lundi au vendredi et il y a toujours un infirmier/ère disponible sur appel. J'ai l'impression qu'un jour des Blancs sont débarqués et ont dit aux locaux : "Voici, maintenant vous avez des services de santé disponibles" et les autochtones ont oublié tout ce qu'ils connaissaient déjà et ne se reposent maintenant que sur les services qui leurs sont offerts. Collectivement, on leur a enlevé leur pouvoir d'auto-détermination et ça a un impact énorme sur tout plein d'aspects de leur vie. C'est frappant. Même après juste 2 semaines sur le territoire... Ça augmente l'épaisseur du dossier parce que les gens se présentent à la clinique pour des petits riens. Mais pour les rendez-vous de suivi, là c'est plus compliqué!! Le nombre de "no show" à l'encre rouge dans les dossiers est assez impressionnant... Il y a aussi un médecin disponible 3 semaines sur 4 à la clinique... pour moins de 700 personnes... De nombreuses communautés dans le Sud en seraient jalouses!! Et évidemment si un service n'est pas disponible sur place, on réfère à l'extérieur, soit par une demande de consultation ou un transfert selon l'urgence. Il y a fréquemment des évacuations en avion.

Après avoir croisé mon comique qui buvait encore, j'ai aussi rencontré deux employés du village qui m'ont saluée et se sont informés à savoir si mes sacs d'épicerie n'était pas trop lourds, si j'avais loin à marcher. Et cet après-midi je suis allée au Wellness Center, participer à ce que je croyais être une classe de couture, mais j'ai finalement appris à faire des boucles d'oreille en perles!! Joli! J'en ai complété une, j'y retourne mardi soir.

dimanche 10 novembre 2013

Nemaska






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Je suis allée prendre une marche ce matin en utilisant une super application gps pour avoir une idée des distances. Voici donc mon petit village au bord du lac Champion, c'est la carte la plus précise que je peux obtenir de google maps!! J'essaye de vous expliquer un peu... 

En fait, la boucle marque seulement le chemin principal du village. Il y a de nombreuses petites rues qui ne sont pas indiquées. Chaque rue est appelée un cluster. Un cluster est en fait une boucle, avec une section boisée au centre, et les maisons tout autour qui se font face. La plupart des clusters sont du côté du centre de la boucle.

Je vis vers le bout du cul-de-sac, en bas de la carte. Comme je reste au 2ème étage et que les constructions sont généralement très basses, j'ai une magnifique vue sur le lac ainsi que le Band Office d'un côté. De l'autre ce n'est que forêt d'épinettes et petites collines à perte de vue. Super panorama! À l'entrée du village, sommet de la boucle en haut de la carte, se trouvent les principaux commerces, épicerie, bureau de poste, quincaillerie/magasin général. Ça prend 25 minutes marcher jusque là de chez moi (env. 2 km).

À peu près au milieu de la boucle, on trouve les principales infrastructures, la nouvelle super clinique dont je pourrai vous reparler, le centre sportif, le wellness center (bibliothèque, cours de couture, organisation d'une semaine spéciale de soins féminins la semaine prochaine (massage, manucure, pédicure, coiffure...), visite d'une psychologue de façon assez régulière), le day care (garderie), l'école. C'est à environ 15 min à pied de chez moi. J'aurai à travailler principalement à la clinique et au Multi-Service Day Center qui se trouve à moins de 500 m de chez moi.

samedi 9 novembre 2013

Watchiya!!

Enfin j'y suis! Après 10 longs mois de rêve, planification, préparation d'intensité plus ou moins élevée selon les périodes j'ai mis les pieds en territoire cri le 3 novembre dernier. Et par où commencer pour vous raconter tout ça... Comme disait ma jeune collègue physio, orientée en même temps que moi à Waskaganish et avec qui j'ai partagé le début de cette aventure 24/24, c'est incroyable comme on s'habitue vite!! Ça semblait déjà "normal" de voir arriver un employé du MSDC (Multi Service Day Center, je vous explique plus tard) avec 2 castors congelés pour les activités de cuisine traditionnelle du centre. Des castors!!! Il manquait juste la peau, la queue était encore là. Savoureux la queue de castor il paraît... Imaginez ça à Sherbrooke ou Montréal...

Nous avons donc passé quelques jours à Waskaganish avec une physiothérapeute expérimentée. Trois jours et demi assises dans un bureau, pour connaître toute la structure de l'organisation, nos futures responsabilités, la plupart des procédures en place, les rôles de tous et chacun, les formulaires cliniques et la poutine administrative. Un aspect particulier au territoire est qu'on doit compléter une autorisation de transport à chaque fois qu'on quitte la communauté, soit pour des vacances ou dans le cadre du travail. Comme je couvrirai les communautés de Nemaska et Whapmagoostui en alternance aux 3 semaines environ ça va impliquer plusieurs déplacements, toujours en avion. D'ailleurs Whapma, pour les intimes, n'est pas accessible par la route. 

Je suis partie de Waskaganish par le vol de l'après-midi vers Nemaska jeudi. Arrivée en fin de journée, pas le temps d'aller à l'épicerie. J'étais très heureuse d'avoir de la sauce à spag déshydratée, le reste de pâtes de Waska, quelques enveloppes de gruau et du jus avec moi! Mode survie jusqu'à vendredi soir où j'ai pu faire une bonne épicerie avec Lyne, une ancienne infirmière de Waska déménagée à Nemaska pour le calme de l'endroit. Vendredi a été assez bien occupée, visite de la clinique, rencontre avec ma supérieure immédiate (Mme Cowboy, sans blague), et visite du Band Office et du Day Care ou ma boss m'a présentée à tout le monde. C'est tellement petit la communauté, tout le monde se connaît... Je retournerai à ces endroits de moi-même discuter avec les personnes avec qui j'aurai à créer des liens quand je serai un minimum installée. J'ai dîné avec l'infirmier chef, une source précieuse d'informations sur le fonctionnement de la clinique et l'administration des établissements du Cree Health Board ici. Enfin... beaucoup de perceptions... je me ferai ma propre idée dans les prochaines semaines. 

La plupart des collègues professionnels sont du "sud". Le staff admin, les directeurs/coordonnateurs et les gens qui travaillent le plus directement avec les gens de la communauté (rehab et education monitors, community workors) sont cris. Le travail se passe donc constamment en 3 langues. Les enfants et personnes âgées généralement ne parlent que cri, 70-80% des gens ont pour langue seconde l'anglais.

En fin de semaine, c'est repos... j'ai pris une grande marche ce matin pour faire le tour du village, voir combien de temps ça me prend aller à l'épicerie, voir ce qui se passe au centre sportif! Il y a un petit gym assez bien équipé et une aréna où 3 matins par semaine il y a du patinage libre gratuit!! Je vais sûrement y aller cette semaine. 

Lundi c'est férié ici, une fête nationale, pas le jour du Souvenir. Je serai un peu laissée à moi-même, à la clinique. J'essaierai d'avancer encore un peu mon organisation, lirai peut-être quelques dossiers. Et je me ferai un plan des lieux et des locaux de tout le monde avec qui fait quoi!! Histoire de m'y retrouver un peu.

Autre fait "exotique" de l'endroit, je ne peux plus sortir le soir maintenant... Il y a des loups qui rôdent... Le caribou n'est pas encore descendu et ils ont faim. Ils se rabattent sur tout ce qui pourrait se trouver sur leur chemin... Ça ne sera pas moi!

N'hésitez pas à me poser des questions! J'y répondrai dans de futurs billets.