mercredi 2 juin 2010

Dieu peut tout

Depuis hier je rencontre des situations
auxquelles je suis peu habituée. Les gens ici sont extrêmement
croyants. Y'a le volet vaudouiste, bien sûr, mais on en entend
peu parler. C'est un peu plus tabou, j'ai l'impression. Dans un passé
pas si lointain, ces pratiques étaient condamnées et
l'église catholique, d'abord parce qu'après à
peu près tout le monde a ajouté son grain de sel à
l'histoire, a tenté de convertir le peuple haïtien. Et ça
a pas mal fonctionné. Dieu tout puissant est partout: sur les
taptaps, dans la rue, dans le discours des gens à tout moment.
Ainsi c'est une bonne journée, grâce à Dieu, je
t'appelle demain, si Dieu veut.

Arrive à l'antenne hier matin
une jeune femme, couchée sur un brancard. Elle a été
transportée chez nous par des membres de sa famille
probablement. Elle a eu une fracture vertébrale lors du
séisme. On l'a opérée et elle est demeurée
paraplégique. Aucun mouvement aux membres inférieurs
après 4 mois... c'est mauvais signe. Les médecins,
comme souvent ici, ne se sont pas vraiment prononcés sur le
pronostic. Ou ont parlé de la possibilité de remarcher,
si Dieu veut. Et comme Dieu peut tout, elle remarchera, c'est
certain, demain ou dans un an importe peu. En attendant, il faut
prier... Et moi là, je suis supposée lui expliquer que
peut-être Dieu ne peut pas tout, peut-être elle ne
remarchera pas, peut-être il faut penser à se
réorganiser, à vivre assise pour un moment, juste au
cas ou Dieu traînerait de la patte un peu. Vraiment ce n'est
pas facile. C'est aller déranger les valeurs les plus
profondes de ces gens-là. J'essaye de leur faire comprendre
que peut-être pour maintenant faut penser qu'avec l'aide de
Dieu ils peuvent s'adapter à la situation actuelle, en
attendant... Mais pour l'instant je ne sais pas jusqu'où porte
le message.

Loin de moi l'idée de banaliser
le fait de se retrouver en fauteuil roulant... vous le savez. Mais à
la maison ça serait plus simple quand même. Plusieurs
milieux sont accessibles, et la dame est secrétaire et fait
donc son travail principalement en position assise. Il y aurait
sûrement des possibilités d'aménager les tâches
en fonction de sa nouvelle condition, la voiture pourrait être
adaptée, elle pourrait redevenir autonome pour pratiquement
tout, avec un peu de temps. Ici... pffffff c'est l'Everest. Les
routes sont affreuses, le transport en commun inaccessible, rares
sont les rampes d'accès, et les personnes avec des handicaps
bien que de plus en plus visibles depuis le 12 janvier étaient
auparavant complètement en marge de la société...

J'espère tout de même la
voir revenir dans quelques semaines avec au moins la volonté
de gagner un peu d'autonomie, assise dans le fauteuil roulant qu'on
lui a attribué hier.

3 commentaires:

  1. J'adore lire ton blog, tu as une belle façon de nous transporter dans ce pays et cette culture. Continue à nous faire découvrir toutes tes aventures et la vie là bas, en Haïti.
    Maryse

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  2. Salut Mélanie, lâche pas, vraiment pas facile quand on a la religion pris avec la réalité... faut faire "avec" comme tu le dis :)!Je vois qu'il y a pleins d'obstacles environnementaux...peut être qu'il y aura le début d'un changement avec ces nouveaux cas paraplégiques... La solidarité doit être très présente non ? Est-ce que les gens qui viennent te voir sont avec les membres de leur famille ?
    Continue d'écrire :)
    P-A

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  3. Allo!!
    La perception du handicap ici est particulière. De plus en plus, à cause du tremblement de terre on en voit plus, et on en parle plus, et on tente de leur faire une place. Mais l'attitude des gens en général est assez passive. Ils ne savent pas quoi faire. Et ont besoin d'être motivés +++ pour s'activer. La douleur est un obstacle et ils craignent d'agraver le problème si ils font des activités avec de la douleur... ça te fait penser à des gens?? :P Les employeurs devront être sensibilisés aussi à la possibilité de reprendre des gens en situation de handicap...

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