La semaine dernière, on va voir Frantz. Frantz a début trentaine. Il était chanteur jazz jusqu'à ce qu'une maladie surnaturelle lui vole sa voix et la force de ses jambes ainsi que d'un bras. Il a conservé la capacité d'écrire et suffisamment de mémoire pour avoir une assez juste idée de qui il est et la conscience de son environnement immédiat, pour le reste c'est un peu difficile à déterminer actuellement mais certains signes ne mentent pas... Il a un mauvais contrôle de sa salive bien qu'il aurait la capacité de la garder où elle se trouve normalement. Il peut s'exprimer par sons et a une forte expression non-verbale.
Maladie surnaturelle... Quand la famille me regarde et me demande si je comprends bien, je fais signe que oui et pense à Laferrière, et aussi à Gaby, un traducteur haïtien que j'ai écouté bégayer sur le vaudou un vendredi en fin d'après-midi, pris dans les embouteillages au retour de Carrefour, son père est prêtre et lui-même a étudié la magie noire.
Frantz vit avec plusieurs membres de sa famille au deuxième étage d'une maison qui a connu les ouragans. L'escalier pour y monter est abrupt et effrayant, ça a donné place à la gigue d'un papi sur les marches pour me démontrer que c'est tout de même sécuritaire... Les murs ont été placardés avec toutes les formes de planches imaginables dans un désordre organisé. À l'étage, quelques minuscules pièces encombrées où chaque plancher a son propre niveau. À notre arrivée Frantz était assis en tailleur par terre en haut des marches. Il terminait son repas. On a rédigé l'entrevue initiale avec la famille avant de l'asseoir sur une chaise pour avoir une idée de son équilibre et mieux pouvoir évaluer sa force. Il est parvenu à se lever debout en se tirant sur un cadre de porte, c'était prometteur. Pendant ce temps les enfants grimpés dans l'escalier m'interpelaient, blanc! blanc! et les plus vieux montraient aux plus jeunes du bas des marches l'étrange personnage qui avait investi leur balcon de fortune.
Le temps filait, Prophète est allé chercher un matelas dans la voiture (n'importe quoi pour ne faire qu'un seul aller-retour dans l'escalier). C'est en souriant et en tapant des mains que Frantz a accueilli l'apparition d'un déambulateur qu'on a assemblé devant lui avant qu'il l'essaie, et il a pu faire quelques pas avec supervision et de l'aide pour se retourner. Je pense qu'il arrivera d'ici quelques semaines à se déplacer seul en haut, mais ça ne résout pas le principal problème, l'inaccessibilité du logement...
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